Le jour où j'écrirai un roman (2) !

Publié le par Butterfly


CHAPITRE PREMIER

 

Le réveil n'avait pas encore sonné en ce matin d'hiver lorsque je lui déposai un baiser sur ses lèvres endormies. Je le regardais en reculant mon visage pour le contempler un instant fugace. Qu'il était beau, auréolé de l'innocence du rêveur observé ! Je me levai en prenant garde de ne pas tirer sur les draps dans lesquels il était lové à mes côtés. Assis sur le bord du lit, je lui jetai un dernier regard avant de rejoindre la salle de bain. Si pour lui la journée devait commencer par ingurgiter une dizaine de toasts beurrés et confiturés, la mienne devait l'être sous l'eau tiède d'une douche que je considérais purificatrice.

 

L'eau coulait sur ma peau recouverte d'une légère écume de mousse à l'extrait de thé vert. Je me sentais emporté loin de cet appartement devenu trop petit pour nous deux. Rémi avait pris ses habitudes dans le petit deux-pièces rue Rodier que je parvenais à peine à louer. Mais la vue sur le Sacré Coeur d'une vieille mansarde, sous les toits de la capitale, ne se refuse pas. Je vivais avec bonheur une vie de bohème telle qu'elle pouvait l'être dans le Paris du début du XX ème siècle. Du moins, telle que je me l'imaginais...

 

Je devais déjeuner chez mes parents. Ma soeur jumelle, Caroline, devait m'y rejoindre avec son fiancé. Je me prêtais de bonne grâce à ces grand-messes du dimanche midi même si, depuis que j'avais rencontré Rémi, elles me devenaient de moins en moins supportables. Si ma soeur était au courant de l'existence de Rémi, mes parents ignoraient tout de ma vie amoureuse, jusqu'à l'essentiel. La question ne s'était jamais posée. Les occasions de leur parler de moi m'avaient toujours parues manquées. Au moment où j'allais atteindre mes trente ans, j'en étais resté au même point avec eux. Pourtant tout était différent en moi.

 

Rémi franchit le pas de la porte de la salle de vain, et, d'un regard encore endormi, me fixa ébêté. Je finissais de me sécher.

 

- « Il est quelle heure ? Je n'ai pas entendu le réveil sonner."

- « 11 heures je pense. »

 

Je regardais Rémi par le miroir embué. Il me semblait encore plus endormi qu'à l'heure où je l'avais embrassé. Je souris et me retournai.

 

- « Je te prépare ton petit-déjeuner ? Ou tu vas bruncher quelque part ? »

Les yeux aussi embués que le miroir, il secoua la tête.

 

- «  Non, non. Je vais rester ici. Envie de ne rien faire. »

 

Je m'approchai de Rémi et je le pris dans mes bras. Puis je le saisis par la taille et approcha mes lèvres de son oreille.

 

- « Tu es de mauvaise humeur mon coeur ? Tu as mal dormi ? »

 

Avec la nonchalence que je lui connaissais, il baissa les yeux et murmura :

 

- « J'ai pas envie que tu me laisses. Tu peux pas annuler ? »

 

Je lui souris et, d'un air attendri, lui répondis que ce n'était pas possible. J'aimais chez lui son côté enfantin. Il attirait les attentions calines comme d'autres les regards lubriques. Rémi venait de fêter ses vingt six ans : il en faisait à peine vingt. Ses cheveux chatain clair ébouriffés, dont des mèches tombaient sur ses yeux bleu-lagon, lui donnaient un visage d'ange. C'était d'ailleurs devenu, presque naturellement, son surnom. Qui restait insensible à son charme n'était pas humain. Son air penaud ne le quittait pas. Rémi osa une dernière tentative, mais, face à mon silence souriant, fit une mine déconfite.

 

- « Allez, mon ange. Souris. On se voit ce soir ! Tu es sûr que tu ne veux pas que je te prépare quelque chose ? »

 

D'un air renfrogné, Rémi gromella :

 

- « Non, c'est bon. De toute façon, tu vas être en retard... Dépêche toi de t'habiller, tu vas prendre froid. »

 

D'un geste, il tira sur la serviette de bain qui me ceignait les hanches. Il savait que je détestais ça. Instinctivement je retins une partie du tissu qui me couvrait à peine. Rémi n'insista pas et, tête basse, regagna la chambre, après m'avoir embrassé du bout des lèvres. C'était sa manière à lui de me faire comprendre qu'il ne m'en voulait pas. Je restais interdit un instant face à son attitude inhabituelle. D'ordinaire, Rémi était si indépendant que se retrouver seul quelques jours ne lui posait aucun problème. J'en étais même venu à me demander s'il n'appréciait pas plus ces instants sans moi aux moments où nous étions ensemble.

 

Je finissais de m'habiller seul. Un pull blanc et un jeans faisaient l'affaire, le déjeuner familial n'étant ni le lieu, ni l'occasion, de se montrer particulièrement bien vêtu. Je restais, aux yeux de mes parents, cet éternel adolescent, à l'allure décontractée, qui venait d'obtenir son baccalauréat. Ils n'imaginaient pas combien cette image-là m'avait hanté avant de l'avoir enfouie sous un amoncelement de souvenirs estudiantins. Je revenais plusieurs années en arrière lors de ces repas dominicaux.

 

Rémi était couché à même le drap. La nuit avait été courte. Tellement courte que je retournai dans la salle de bain me mettre un peu de fond de teint. Un dernier baiser déposé sur le front de Rémi et me voilà déambulant dans la rue déserte, en direction de la bouche de métro. Il faisait froid. Les rares passants se pressaient pour traverser au passage clouté. Je les imitais et, tête baissée, je m'enfonçai dans le labyrinthe souterrain d'où je sortis une quarantaine de minutes plus tard.

Publié dans Atelier d'écriture

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F
Trés belle histoire. Continue la j'adore et je suis prés à la suivre. A quand la sortie en livre. lol
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B
Merci ! Je la continue, tout doucement. De quoi m'occuper dans le métro. La sortie en livre ? J'y pense... et puis j'oublie ! Je me dis que j'ai encore à améliorer beaucoup de points avant d'oser proposer un manuscrit à une maison d'édition !
H
Je suis d'accord avec toi jerem. Papillon continue à écrire stp.
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J
Ce passage ne peut que m'inciter à te dire de continuer à écrire.
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R
Ton blog ne semble pas aimer les copier-collés,je voulais donc commenter cette phrase:c'est vraiment très attentionné,un exemple à suivre pour les hétéros!<br /> C'est très bien écrit en tout cas,si j'osais,je dirais que c'est même mieux que d'habitude:bravo!
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R
"Je me levai en prenant garde de ne pas tirer sur les draps dans lesquels il était lové à mes côtés"
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