Un roman d'été (X)
Eric se leva et prit peur face à l'absence de repères connus. Tout lui semblait si onirique qu'il doutât même de sa propre existence. Il se pinça machinalement et la douleur ne le rassura qu'à moitié : il n'était donc pas en train de rêver. Soudain, une apparition le glaça d'effroi. Elle... Non, ce n'était pas possible. Il rêvait, la douleur n'était pas un test efficace. Il eut à nouveau la tête qui se mit à tourner et, au fur et à mesure qu'elle avançait vers lui, ses jambes tremblèrent de plus en plus fébrilement. Quand elle fut à sa hauteur, elle lui sourit :
- "Docteur, vous n'étiez pas à mes côtés lorsque je me suis réveillée."
- "Je... Je... Non, vous êtes morte ! Vous ne pouvez pas me parler !"
- "Mais c'est pourtant ce que je fais en ce moment, non ?"
- "Je rêve... Je vais me réveiller !"
- "A votre guise docteur, je vous laisse faire. Mais je crains fort que cela ne soit pas possible. Dites vous qu'on peut vivre, parfois, quelque chose d'iréel tout en ne rêvant pas..."
- "Quoi ? Mais ça n'a pas de sens !"
- "Tout doit-il avoir un sens ?"
- "Mais où suis-je ?"
- "Je l'ignore moi-même. Vous savez, je découvre à peine ce monde et il y a encore tant de questions auxquelles je n'ai pas de réponse..."
- "Mais que fais-je ici ? Cela signifie-t-il que je suis mort moi aussi ?"
- "Ca, je peux vous répondre que non? Vous appartenez bien à l'autre monde. Ne me demandez pas pourquoi, je le sais. Vous ne faites pas encore partie des nôtres."
A ces mots, plusieurs apparitions rejoingnirent Marie Prado. Des hommes, des femmes et des enfants, en tenue d'opérés. Eric reconnut la plupart de ces visages : c'était tous des patients qui étaient décédés lors d'opérations auxquelles il avait pris part. La valse des visages le perturba davantage. Sa voix se mettait désormais à trembler :
- "C'est... C'est un tribunal ?"
Une petite fille pâle, aux cheveux très blonds, s'avança aux côtés de Marie :
- "Oh non docteur. Nous sommes venus vous saluer. Nous ne voulions pas vous manquer."
Un homme s'avança également et prit la parole :
- "Finalement, c'est nous qui sommes là à votre réveil. C'est drôle, non ?"
L'assemblée se mit alors à rire de plus en plus fort jusqu'à ce que Eric poussa un hurlement qui couvrit ces sons stridents :
- "Arrêtez ! Dites-moi ce que je fais ici ! Que dois-je faire pour retourner sur Terre ?"
Marie le regarda tendrement et les autres apparitions s'évanouir progressivement.
- "Ne me dites pas que vous êtes angoissé... A mon réveil, moi, j'étais seule..."